Extrait de la conférence de presse de Maria Zakharova, porte-parole du Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Moscou, 12 avril 2023
Question: On sait que le Conseil de l'Europe a l'intention de créer un "Registre des dommages causés par l'agression de la Russie contre l'Ukraine". Que pensez-vous de ces projets ?
Maria Zakharova: Une histoire surprenante. Le Conseil de l'Europe n'a jamais pris la peine d'établir un registre des dommages causés par le dynamitage des gazoducs Nord Stream, alors que ces dommages ont été causés aux investisseurs, aux constructeurs, à ceux qui ont pompé les ressources naturelles dans les pipelines et qui ont construit les infrastructures civiles dans différents pays pour maintenir et mettre en œuvre ce projet. Devrais-je parler d'écologie ? C'est à l'ordre du jour du Conseil de l'Europe. Où est le registre des dommages ? Il n'y en a pas et il n'y en aura pas. Pourquoi ? Apparemment, ils se doutent qu'ils risqueraient de s'exposer au cours de l'enquête. Je parle des pays que j'ai mentionnés et qui sont des fauteurs de troubles actifs au sein du Conseil de l'Europe, bien qu'un certain nombre d'entre eux ne soient pas en Europe.
Je voudrais donner une évaluation supplémentaire de ce dont vous parlez. Permettez-moi de vous rappeler que nous avons fait nos adieux au Conseil de l'Europe il y a plus d'un an. Apparemment, Strasbourg n'arrive pas à se faire à cette idée. "Revenez, nous ne vous pardonnerons rien", telle semble être leur devise que je ressens de résolution en résolution du Conseil de l'Europe. Ils sont littéralement obsédés par la Russie. Ils ne veulent penser à rien d'autre. Et cela ne se limite pas du tout à l'opération militaire spéciale. Tout a commencé bien avant. Ils avaient essayé de nous exclure, de restreindre nos droits, de nous priver de vote. Ces dernières années, aucun autre pays n'a fait l'objet d'un examen aussi intrusif et partial de la part des structures du Conseil de l'Europe que notre pays.
Cette obsession n'a rien de surprenant. Le Conseil de l'Europe a longtemps été utilisé par l'Occident (l'Otan et les États-Unis) dans sa guerre hybride contre la Russie, principalement comme un instrument d'"agression légale". Il ne faut pas non plus oublier que cette organisation a largement perdu sa raison d'être originelle, qui était inscrite dans sa Charte. Elle a perdu son cadre paneuropéen. Elle s'est essentiellement transformée en un "département idéologique" de l'Union européenne. Encore une fois, nous nous rendons compte qu'il n'y a plus d'UE au sens politique du terme, il y a l'Otan.
La bureaucratie strasbourgeoise, composée de milliers de fonctionnaires bien rémunérés, a de plus en plus de mal à imposer quoi que ce soit aux contribuables et à prouver son utilité. En fait, tout le monde comprend qu'il s'agit d'un organe de propagande. Auparavant, l'accent était mis sur les droits de l'homme. Puis, lorsqu'il s'est avéré au fil des événements qu'ils étaient les premiers à ne pas respecter ces droits, ils ont abordé le thème fou se rattachant aux sexes. Ce sujet a commencé à être dominant sous le slogan : "Nous ne pouvons ni manger ni boire, laissez-nous plutôt parler et adopter une résolution sur la problématique du genre".
Promouvoir les droits des minorités sexuelles ne suffit plus. Or, ceux qui siègent à Strasbourg n'ont pas l'habitude et ne savent pas comment traiter les vrais problèmes des Européens dont les droits civils et sociaux sont soumis à de plus en plus de restrictions. Ils ont été créés à l'origine dans un autre but. Ces dernières années, ils ont tout simplement été entraînés à faire des choses qui vont à l'encontre de la raison d'être initiale. C'est pourquoi toute l'énergie, le potentiel et les ressources logistiques ont été gaspillés pour infliger davantage de dommages à notre pays.
C'est ainsi qu'ils ont eu l'idée de tenir un "registre" des réclamations matérielles contre la Russie en relation avec l’opération militaire spéciale. Il faut dire que cette initiative est sans précédent dans l'histoire du Conseil de l'Europe. Non seulement ils n'ont jamais osé condamner, mais ils ont plutôt cautionné les aventures militaires inhumaines de l'Occident, y compris les agressions contre la Yougoslavie, l'Irak, la Libye et la Syrie, auxquelles ont participé non seulement les États-Unis, mais aussi des membres du Conseil de l'Europe. Ne veulent-ils pas faire des calculs et des estimations de ce qu'ils doivent aux pays ruinés ?
Contrairement à l’opération militaire spéciale, leurs entreprises n'ont rien à voir avec la protection d'intérêts de sécurité légitimes. Le Conseil de l'Europe n'a jamais calculé les dommages causés par les crimes perpétrés par les Occidentaux dans le monde. Outre les campagnes à grande échelle, il y a eu aussi quelques "vétilles". Apparemment, à Strasbourg, on croit que les obus de l'Otan n'apportent pas la mort et la destruction, mais une "charge" de liberté et de démocratie. Cette illusion est bien présente.
Il est clair pour tout observateur impartial que les Occidentaux, en créant le "Registre", cherchent cyniquement à rejeter la responsabilité de leurs propres expérimentations sur ceux qui tentent de surmonter les conséquences de leurs actions. Ils s’efforcent de faire porter à la Russie la responsabilité des conséquences de leurs propres politiques – l'expansionnisme de l'Otan à l'est, la mise en place d'un régime néo-nazi à Kiev, la transformation de l'Ukraine en tremplin militaire, son approvisionnement en armes et en mercenaires, la destruction de la souveraineté et du statut d'État de l'Ukraine. En bref, ils essaient maintenant de trouver les responsables de leurs propres actions provocatrices, qui ont rendu inévitable l’opération militaire spéciale.
De manière générale, nous devrions commencer par les dommages causés à la population et aux infrastructures civiles dans le Donbass depuis 2014 à la suite de l'opération punitive déclenchée par Kiev. Par les dommages causés par le blocus de l'eau et de l'énergie en Crimée. Par les sanctions financières et économiques illégales imposées par l'Occident à la Russie et à ces régions.
Vous souvenez-vous des efforts que les habitants de Donetsk et de Lougansk ont dû déployer pour percevoir les pensions, les prestations sociales et les avantages qui leur sont dus en vertu de la loi ? Vous souvenez-vous des brimades dont ils ont fait l'objet ? "Venez dans le territoire contrôlé par Kiev, vous obtiendrez tout alors". Nous nous souvenons des assurances du format Normandie selon lesquelles ils "travailleraient" avec le régime de Kiev et veilleraient à ce que les habitants de la RPD et de la RPL reçoivent de l'argent pour vivre. Il ne s'agit pas d'allocations de chômage, de prêts de vacances ou de subventions pour des activités politiques. Il s'agit de ce qu'ils ont gagné par leur travail. Rien n'a été accompli. Sans l'aide humanitaire russe apportée depuis des années à ces régions, les gens n'auraient tout simplement pas survécu.
Il en va de même pour le "gel" et, en fait, le vol des avoirs russes à l'étranger. Le Conseil de l'Europe devrait en tenir compte. S'il ne le fait pas, nous le faisons. Nous sommes gentils et nous avons une bonne mémoire.
Le Conseil de l'Europe ne se rend même pas compte de la boîte de Pandore sans fond qu'il est en train d'ouvrir. Peut-être que de nombreux pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine devraient maintenant s'intéresser de plus près à cette expérience. La nouveauté est intéressante. Un registre international des dommages causés par des siècles de leur exploitation coloniale et néocoloniale par l'Occident devrait être envisagé. L'idée de créer un registre des dommages causés par le génocide de peuples entiers, le pillage des ressources naturelles et des valeurs culturelles devrait être examinée. Qu'en est-il de la traite des esclaves ? A-t-elle déjà été comptabilisée ? L'imposition du racisme a également coûté cher à de nombreux pays et peuples.
Nous nous demandons si cette initiative du Conseil de l'Europe est avant tout hypocrite, stupide ou déshumanisante. Ses auteurs se rendent-ils compte que de tels projets ne conduisent qu'à une nouvelle escalade de la confrontation sur le continent, avec des conséquences peu prévisibles ?
Récemment, j'ai participé à une discussion sur les sciences politiques. L'une des questions portait sur le fait que les États-Unis parlent sans cesse de dommages et de tribunaux. Comment traitent-ils leur propre population indigène ? Ont-ils tout compté en ce qui concerne la population indigène locale qu'ils ont massacrée, en particulier les Indiens ? Je ne parle pas de paiements et de compensations. La génération actuelle sait-elle ce que ses ancêtres ont fait sur cette terre ? A-t-elle la moindre idée, ne serait-ce que d'un centième, de ce qu'ils ont fait et sur quels ossuaires les actuels États-Unis d'Amérique ont été construits ? Sait-elle qu'ils n'ont pas été fondés sur la liberté, la démocratie et le désir de créer une nouvelle nation, libérée du lourd héritage européen de l'esclavage et de la colonisation ? Au cœur de ce projet se trouvait l'anéantissement de la population locale : un anéantissement non pas ponctuel, non pas d'une année, mais de plusieurs années. C'était terrible dans le sens où la population était humiliée, soumise à des expériences monstrueuses visant à stopper son développement en tant qu’ethnie. Lisez vous-même ce qu'il en est.
Il convient de noter que le "Registre" doit être créé dans le cadre d'un accord ouvert partiel du Conseil de l'Europe, pour lequel seuls 16 des 46 membres de l'organisation suffisent. Apparemment, les initiateurs se rendent compte qu'ils ne peuvent pas compter sur une unanimité totale, même dans un forum aussi partisan que le Conseil de l'Europe. Pouvez-vous imaginer ce qui se passera au sein du Conseil de l'Europe si les pays européens commencent à compter les dommages historiques les uns contre les autres ?
Je n'ai pas besoin d'expliquer pourquoi nous considérerons les activités et les décisions de ce "Registre" comme juridiquement nulles et non avenues et pourquoi le fait d'y adhérer serait considéré comme un acte hostile à la Fédération de Russie.