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07 octobre / 2024

Article de Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, pour la revue Russia in Global Affairs, 4 octobre 2024

ONU: redevenir un centre où s'harmonisent les efforts des nations

Le débat général de la 79ème session de l'Assemblée générale des Nations unies, où je représentais la Fédération de Russie sur directive du Président russe Vladimir Poutine, vient de se terminer.

Le Pacte pour l'avenir a-t-il un avenir?

Le forum intitulé Sommet pour l'avenir s'est tenu lors de la semaine de haut niveau de l'ONU, qui a généralement lieu la dernière semaine de septembre. La Russie a accueilli avec compréhension l'idée du Secrétaire général Antonio Guterres de convoquer ce sommet, car la crise au sein de l'Organisation des Nations unies s'aggrave, et il est nécessaire de trouver des solutions. Les diplomates russes ont participé activement à la préparation de cette rencontre, bien que nous n'ayons pas nourri de grandes illusions. D'autant plus que l'histoire de l'ONU compte de nombreux évènements ambitieux qui se sont terminés par des déclarations retentissantes rapidement oubliées.

Souvenons-nous du Sommet du millénaire en 2000, qui avait proclamé l'objectif de "libérer les peuples des fléaux de la guerre". Un peu plus de deux ans plus tard, les États-Unis, à la tête d'une "coalition de volontaires", ont envahi l'Irak sous un prétexte dérisoire, sans mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, laissant ce pays toujours incapable de se remettre des conséquences destructrices de cette aventure.

Le Sommet mondial de l'ONU en 2005 a déclaré son engagement en faveur de l'établissement d'une paix juste conformément aux principes et objectifs de la Charte des Nations unies. Ce "devoir sacré" n'a pas empêché Washington et ses alliés d'encourager l'ancien président géorgien Mikhaïl Saakachvili à déclencher en 2008 une agression armée contre le peuple d'Ossétie du Sud et les forces de maintien de la paix russes. Trois ans plus tard, l'Otan a organisé une intervention militaire en Libye, détruisant sa structure étatique et déstabilisant les pays voisins ainsi que l'ensemble de la région du Moyen-Orient.

En 2015, le Sommet de l'ONU sur le développement durable a adopté des plans grandioses pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. En réalité, ces engagements se sont révélés être de vaines promesses face au refus des pays occidentaux de renoncer à leurs pratiques néocoloniales visant à siphonner les richesses du monde entier à leur profit. Il suffit de jeter un coup d'œil aux statistiques sur la mise en œuvre des promesses de financement du développement des pays du Sud global et sur le transfert de technologies écologiques.

Tout comme Kofi Annan et Ban Ki-moon avant lui, Antonio Guterres a proposé son initiative sous le slogan de la "relance" de la coopération mondiale. Un beau slogan, qui pourrait s'y opposer? Mais de quelle coopération mondiale peut-on parler lorsque l'Occident a piétiné toutes ces "valeurs immuables" de la mondialisation, dont on nous a tant parlé pendant des années, en nous convainquant qu'elles garantiraient un accès égal pour tous aux bienfaits de la civilisation moderne. Où sont passées l'inviolabilité de la propriété, la présomption d'innocence, la liberté d'expression, l'accès à l'information, la concurrence loyale sur les marchés selon des règles claires et stables?

Est-il opportun de parler de coopération mondiale au moment même où les pays occidentaux ont lancé une véritable guerre de sanctions contre une bonne moitié, sinon la majorité des États du monde, et où le dollar, que l'on nous présentait comme un bien commun pour l'humanité, a été transformé en arme contre les nations jugées indésirables?

Le blocus commercial de Cuba perdure depuis plus de 60 ans, alors que la majorité écrasante des membres de la communauté internationale exige sa levée. Dans sa quête de préserver son hégémonie de plus en plus illusoire, Washington bloque le fonctionnement normal de l'OMC pour le règlement des différends et la réforme des institutions de Bretton Woods, dont la structure ne reflète plus depuis longtemps la réalité des forces économiques et financières mondiales. Les actions de l'Occident dans ce domaine montrent clairement que les États-Unis et leurs satellites redoutent tout simplement la concurrence loyale.

L'Occident en est même arrivé à vouloir transformer l'ONU elle-même en un outil au service de ses intérêts égoïstes. Comme l'a montré le Sommet pour l'avenir, les tentatives d'éroder la nature intergouvernementale de l'Organisation mondiale s'intensifient. Les réformes longtemps nécessaires dans les méthodes de recrutement du secrétariat de l'ONU sont entravées, les postes clés étant aujourd'hui pratiquement occupés et "hérités" par la bureaucratie issue de la minorité occidentale. Si le Secrétaire général appelle à une "relance" de la coopération mondiale, le secrétariat devrait promouvoir des idées unificatrices et proposer des compromis, au lieu de chercher des excuses pour intégrer des discours favorables à l'Occident dans le fonctionnement de l'ONU.

Il n'est pas trop tard pour insuffler une nouvelle vie dans l'ONU. Or cela ne peut se faire par le biais de sommets et de déclarations déconnectés de la réalité, mais plutôt en rétablissant la confiance sur la base du principe fondamental de l'égalité souveraine de tous les États. À ce jour, ce n'est pas le cas. La confiance est sapée, notamment par les actions de l'Occident, telles que la création de formats restreints sous son contrôle, contournant l'ONU, pour régler des questions graves, voire cruciales. Parmi celles-ci figurent le contrôle d'Internet et la définition du cadre juridique pour l'utilisation des technologies d'intelligence artificielle. Pourtant, ces problèmes concernent l'avenir de l'humanité tout entière. Ils doivent donc être examinés sur une base universelle, sans discrimination ni recherche d'avantages unilatéraux.

Cela signifie qu'il faut négocier honnêtement, avec la participation de tous les membres de l'ONU, et non pas comme cela s'est fait pour le Pacte pour l'avenir, sans une seule séance plénière de négociations avec la participation de toutes les nations. Au lieu de cela, le travail s'est déroulé sous le contrôle des manipulateurs occidentaux. Au final, le Pacte, à peine né, est déjà venu grossir les rangs des déclarations joliment formulées en anglais. Tel est, hélas, le sort des "produits" de ce genre de sommets mondiaux.

Le monde et la sécurité

La situation n'est guère meilleure en ce qui concerne l'application des résolutions du Conseil de sécurité, qui, conformément à la Charte de l'ONU, sont obligatoires. Nous avons tous été témoins du sabotage des décisions concernant le règlement au Kosovo ainsi que des accords de Dayton sur la Bosnie-Herzégovine. Le cas le plus flagrant reste cependant l'obstruction, depuis près de 80 ans, aux résolutions consensuelles sur la création d'un État palestinien indépendant, coexistant en paix et en sécurité avec Israël.

Aucun acte de terrorisme ne peut être justifié, y compris celui du 7 octobre 2023, dont les victimes étaient des Israéliens. Cela dit, quiconque garde un sens de la compassion ne peut que s'indigner du fait que cette tragédie soit utilisée comme prétexte pour punir collectivement les Palestiniens, ce qui a conduit à une catastrophe humanitaire sans précédent. Il est impératif de mettre fin immédiatement au meurtre de civils palestiniens par des armes américaines. Il faut assurer la livraison de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza et organiser la reconstruction des infrastructures. Mais surtout, il est essentiel de garantir aux Palestiniens leur droit légitime à l'autodétermination et de leur permettre de créer effectivement un État territorialement continu et viable, dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.

Un autre exemple flagrant de l'utilisation de méthodes terroristes pour atteindre des objectifs politiques est l'attaque inhumaine contre le Liban, où des technologies civiles ont été transformées en armes meurtrières. Cette attaque doit immédiatement faire l'objet d'une enquête. Cependant, il ne faut pas ignorer les nombreuses publications dans les médias, y compris en Europe et aux États-Unis, qui révèlent une implication ou du moins une connaissance préalable de Washington concernant la préparation de cet attentat.

Nous comprenons que les Américains nient toujours tout et feront tout pour étouffer les faits qui émergent. C'est exactement ce qu'ils ont fait face aux preuves irréfutables de leur implication dans les attentats contre les gazoducs Nord Stream. Ces pipelines représentaient d'ailleurs un excellent symbole de la "coopération mondiale" tant vantée par le Secrétaire général de l'ONU. Leur destruction a gravement compromis la compétitivité de l'Union européenne dans l'économie mondiale pour de nombreuses années, au profit des États-Unis. L'Occident porte aussi la responsabilité de dissimuler la vérité sur les auteurs d'autres crimes odieux, y compris la provocation sanglante à Boutcha, dans la banlieue de Kiev, en avril 2022, ainsi que la série d'empoisonnements de citoyens russes au Royaume-Uni et en Allemagne.

Le secrétariat de l'ONU ne peut rester à l'écart des efforts visant à établir la vérité dans des situations qui affectent directement la sécurité mondiale. Il doit, en vertu de l'article 100 de la Charte de l'Organisation, agir avec impartialité et éviter toute tentation de servir les intérêts de certains États, notamment ceux qui prônent ouvertement la division du monde entre un "jardin" et une "jungle" ou entre ceux "mangent à la table démocratique" et ceux qui "figurent au menu".

Il est utile de rappeler une nouvelle fois le "palmarès" de ceux qui exigent que le reste du monde suive leurs "règles". L'invasion de l'Afghanistan et la présence honteuse pendant 20 ans de la coalition bien connue ont conduit à la création d'Al-Qaïda. L'agression contre l'Irak a directement provoqué l'émergence de Daech. Le déclenchement de la guerre en Syrie a donné naissance au groupe terroriste Front al-Nosra (aujourd'hui Hayat Tahrir al-Cham). La coalition occidentale continue d'ailleurs à frapper des cibles en Syrie, inspirant de facto le régime de Kiev à mener des activités terroristes similaires dans les régions russes, où des attaques sont perpétrées contre des civils et des infrastructures, souvent avec le soutien direct de l'Occident. En Syrie même, le régime de Vladimir Zelenski, en coordination avec les Américains, forme les terroristes de Hayat Tahrir al-Cham à de nouvelles technologies de fabrication de drones pour mener des actions contre les forces armées russes présentes dans la République arabe syrienne.

La destruction de la Libye par l'Occident a ouvert la voie à l'infiltration du terrorisme dans la région saharo-sahélienne et a provoqué des flux massifs de migrants illégaux vers l'Europe. Tous ceux qui se préoccupent de l'avenir de leurs pays et de leurs peuples doivent faire preuve d'une vigilance extrême face aux nouvelles aventures des inventeurs de ces fameuses "règles".

Les assassinats politiques, devenus pratiquement monnaie courante, suscitent également une profonde inquiétude, comme ceux survenus le 31 juillet à Téhéran et le 27 septembre à Beyrouth. Après qu'Israël a lancé son invasion terrestre du Liban dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, l'administration américaine n'a émis aucune condamnation de cet acte d'agression contre un État souverain. Washington encourage ainsi son allié au Moyen-Orient à étendre la zone des hostilités.

L'évolution tragique et inacceptable du conflit arabo-israélien, au Liban, au Yémen, dans les eaux de la mer Rouge et du golfe d'Aden, au Soudan et dans d'autres points chauds en Afrique, reflète un fait incontestable: la sécurité doit être égale et indivisible pour tous, sinon elle ne sera assurée pour personne.

La Russie essayait depuis des années d'inculquer cette vérité élémentaire aux dirigeants de Washington, Londres et Bruxelles, rongés par des complexes d'exceptionnalisme et d'impunité. C'est bien connu que l'Occident avait promis de ne pas élargir l'Otan, et en 1999 et 2010, il a signé des documents officiels des sommets de l'OSCE, s'engageant à ne pas assurer sa propre sécurité au détriment de celle des autres. Pourtant, depuis trois décennies, l'Alliance atlantique poursuit son expansion géopolitique et militaire en Europe, cherche à s'implanter dans le Caucase du Sud et en Asie centrale, créant des menaces directes pour la sécurité de notre pays. À présent, la même chose se produit dans la région Asie-Pacifique, où l'infrastructure de l'Otan s'infiltre et où des blocs politico-militaires restreints sont formés pour contenir la Chine et la Russie, sapant l'architecture de sécurité inclusive sous l'égide de l'Asean.

Parallèlement, non seulement l'Occident oublie toute notion de "coopération mondiale" prônée par le Secrétaire général de l'ONU, mais il accuse aussi ouvertement, dans ses documents doctrinaux, la Russie, la Chine, la Biélorussie, la Corée du Nord et l'Iran de menacer sa domination. À l'égard de la Russie, il a fixé comme objectif de lui infliger une "défaite stratégique": un plan qui rappelle celui de Londres et Washington en mai 1945, lorsqu'ils élaboraient, avant même la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'opération Unthinkable visant à détruire l'URSS.

Les origines de la crise ukrainienne

Au milieu du XXe siècle, les stratèges anglo-saxons gardaient leurs plans agressifs dans le plus grand secret. Mais la génération actuelle ne cache plus ses intentions. L'objectif est désormais de vaincre la Russie par l'intermédiaire du régime illégitime de Kiev, qui est néonazi par nature. Les preuves en sont nombreuses. Kiev a activement propagé et continue de promouvoir des idées néonazies, réécrivant l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et cultivant des sentiments nationalistes parmi de larges segments de la population ukrainienne, glorifiant les nazis et leurs collaborateurs. On constate une utilisation directe de symboles nazis. Il ne faut pas oublier les crimes de longue date des "bataillons volontaires" irréguliers, formés d'adeptes convaincus du nationalisme ukrainien. Même des structures internationales indulgentes envers Kiev, dont le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, n'ont pu passer sous silence leurs atrocités.

L'Ukraine est devenue un État terroriste qui, depuis dix ans, terrorise les citoyens à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières. Malgré cela, l'Occident permet à la junte de Kiev de tout faire, lui allouant des fonds colossaux. Dans ce contexte, les déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, affirmant que l'Ukraine défend des valeurs chères à l'UE, sont particulièrement révélatrices. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a également établi des parallèles entre l'Ukraine et les valeurs européennes. De telles révélations sont difficiles à interpréter autrement que comme une manifestation de la nature nazie profonde de la classe politique européenne, qui est à deux doigts de se lancer elle-même dans une aventure suicidaire contre la Russie. Faut-il rappeler l'absurdité et le danger de l'idée de tenter de "se battre jusqu'à la victoire" contre une puissance nucléaire telle que la Russie?

Les déclarations de certains dirigeants occidentaux sur "l'absence d'alternative" aux négociations basées sur la fameuse "formule de Zelenski" sont tout aussi insensées. En défendant cet ultimatum voué à l'échec, l'Occident n'hésite pas à invoquer la Charte de l'ONU, exigeant de garantir l'intégrité territoriale de l'Ukraine.

Il convient de rappeler que la toute première disposition de la Charte proclame l'obligation de respecter les principes d'égalité des droits et de l'autodétermination des peuples. C'est sur cette base juridique internationale que s'est déroulé le processus de décolonisation (qui reste à achever, malgré l'opposition des Français, des Britanniques et d'autres anciennes métropoles). En 1970, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration relative aux principes du droit international, précisant que l'intégrité territoriale ne devait être respectée que par les États dont les gouvernements respectent le droit des peuples à l'autodétermination et, par conséquent, représentent toute la population de leur territoire. Cette décision a été prise à l'unanimité après des années de débats difficiles. Il est inutile de prouver que les néonazis ukrainiens, qui ont pris le pouvoir à Kiev à la suite du coup d'État sanglant de février 2014 soutenu par les États-Unis et leurs alliés, ne représentaient et ne représentent toujours pas la population russe de la Crimée, du Donbass et de la Nouvelle-Russie.

Les dirigeants occidentaux, toujours prompts à parler des droits de l'homme, restent curieusement silencieux face aux actions racistes de leurs clients de Kiev. À la lumière de cet oubli, rappelons une autre exigence de l'article 1 de la Charte des Nations unies: le respect des droits et libertés fondamentales de chaque individu, indépendamment de sa race, de son sexe, de sa langue ou de sa religion. Depuis le coup d'État de Kiev, les droits des Russes et des personnes liées à la culture russe sont méthodiquement éradiqués. La langue russe est interdite législativement en Ukraine dans tous les domaines: éducation, médias, art, culture, et même dans la vie quotidienne. Plus récemment, une autre loi a été adoptée, interdisant l'Église orthodoxe ukrainienne canonique. Le régime de Kiev s'attaque à tout ce qui est lié au monde russe. Depuis des années, les russophones sont le groupe le plus discriminé en Ukraine. Dans ces conditions, les invocations de Vladimir Zelenski sur la nécessité de respecter la Charte des Nations unies relèvent d'une pure moquerie.

Ces flagrantes violations des droits inscrits dans la Charte de l'ONU, notamment ceux des Russes, ainsi que les menaces pour la sécurité de la Russie et de l'Europe entière émanant du régime de Kiev et de ceux qui cherchent à l'intégrer à l'Otan, sont à l'origine de la crise actuelle en Ukraine. C'est précisément pour résoudre ces problèmes que la Russie mène son opération militaire spéciale, visant à protéger sa sécurité et l'avenir de son peuple sur sa terre ancestrale.

Nous apprécions sincèrement les efforts de nombreux partenaires qui, animés des meilleures intentions, proposent des initiatives de médiation. Nous respectons leur approche constructive, orientée vers des résultats, à l'inverse de la "formule de Zelenski", qui ne mène qu'à une impasse. Nous invitons néanmoins nos amis à prendre pleinement en compte les faits mentionnés sur les véritables causes de la situation actuelle dans leurs démarches futures. Sans remédier à ces causes, il ne sera pas possible de parvenir à une paix juste, fondée sur la Charte de l'ONU. Un plan réaliste de règlement a été exposé par le Président Vladimir Poutine le 14 juin 2024. Le chef de l'État russe a de nouveau montré de manière convaincante la bonne volonté de la Russie pour parvenir à des solutions négociées, dont les perspectives ont été sabotées par Kiev et ses mentors à la suite du coup d'État de 2014, de l'échec des accords de Minsk de 2015 et des accords d'Istanbul de 2022.

Vers un ordre international plus juste

Le niveau sans précédent d'arrogance et d'agressivité de la politique occidentale envers la Russie ne se contente pas de réduire à néant l'idée même de "coopération mondiale" promue par le Secrétaire général de l'ONU, mais il bloque également de plus en plus le fonctionnement de l'ensemble du système de gouvernance mondiale, y compris le Conseil de sécurité. Ce n'est pas notre choix, et ce n'est pas à nous d'assumer la responsabilité des conséquences d'une telle voie dangereuse. Cependant, si l'Occident ne renonce pas à cette politique, les conséquences en seront lourdes pour tous.

Il est évident pour la majorité mondiale que la confrontation et l'hégémonisme ne résoudront aucun problème global. Ils ne font qu'entraver artificiellement le processus objectif de formation d'un ordre mondial multipolaire, fondé sur l'égalité des droits des grandes et petites nations, le respect de la dignité humaine, l'égalité entre hommes et femmes, et le droit des peuples à déterminer leur propre destin. Tous ces principes sont également inscrits dans la Charte de l'ONU, tout comme celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États souverains. Ce dernier principe, pour la honte des membres de l'Organisation mondiale, a été bloqué par les États-Unis et leurs satellites lors du Sommet pour l'avenir avec le rejet d'un pacte en ce sens.

Dans son discours du 18 septembre 2024, lors du 4ème Forum féminin eurasien à Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a souligné l'importance d'unir les efforts pour un développement durable et une sécurité égale et indivisible pour tous. Les problèmes complexes auxquels est confrontée l'humanité ne peuvent être résolus que collectivement, en tenant compte des intérêts de chacun. L'Occident doit le comprendre et renoncer à son attitude néocoloniale.

Le Sud global et l'Est expriment de plus en plus clairement leurs droits à une participation pleine et entière aux processus décisionnels concernant l'ensemble de l'agenda international. Cela devient d'autant plus pertinent alors que l'Occident détruit systématiquement le modèle de mondialisation qu'il a lui-même créé.

Le rôle des organisations interétatiques en Asie, en Afrique et en Amérique latine se renforce. Parmi elles figurent l'Organisation de coopération de Shanghai, l'Union économique eurasiatique, l'Union africaine, la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes, la Ligue des États arabes, l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, et bien d'autres.

Les contacts entre les structures régionales d'intégration s'établissent non seulement entre elles, mais aussi avec des organisations globales comme les Brics, ce qui ouvre des perspectives pour harmoniser les approches et coordonner des mécanismes de coopération mutuellement bénéfique et de développement, à l'abri des influences extérieures négatives et du diktat. Ces processus objectifs devront également être pris en compte dans les travaux du G20, où le G7 ne peut plus imposer ses décisions.

Architecture de sécurité en Eurasie

Aujourd'hui, il est nécessaire de repenser les moyens d'assurer la sécurité dans différentes régions, en tirant les leçons des échecs des modèles de sécurité euro-atlantiques, que l'Occident a détournés à des fins expansionnistes.

La Russie a proposé l'initiative de créer une architecture inclusive de sécurité égale et indivisible en Eurasie. Cette initiative est ouverte à tous les États et organisations de notre continent commun, prêts à travailler ensemble à la recherche de solutions consensuelles, en tirant parti des interconnexions et des avantages compétitifs naturels de l'espace eurasiatique uni. Cette question sera au centre de la conférence internationale à Minsk, qui se tiendra les 31 octobre et 1er novembre 2024.

La création d'un espace de sécurité égale et indivisible en Eurasie est une nécessité urgente à la lumière des processus majeurs qui se déroulent dans cette macro-région. Il ne s'agit pas seulement du fait que la dégradation de la situation politico-militaire, provoquée par la stratégie de l'Occident collectif visant à saper le développement souverain des grandes puissances du continent, est inacceptable pour les États eurasiatiques responsables. Il s'agit également des risques croissants que les foyers de tension dégénèrent en un conflit de grande envergure, remettant en cause le développement continu de l'ensemble de l'Eurasie, qui est un moteur important de la croissance économique mondiale. La résolution des questions de sécurité est une condition préalable au développement dynamique des pays du continent et à l'exploitation du potentiel des projets multilatéraux auxquels ils participent.

Notre initiative repose sur la nécessité pour les États et les structures multilatérales de la région eurasiatique d'assumer la responsabilité de leur propre sécurité, conformément au principe "des solutions eurasiatiques aux problèmes eurasiatiques". Les objectifs stratégiques de l'architecture proposée sont de résoudre les contradictions existantes sur le continent par les efforts des pays eurasiatiques eux-mêmes, de prévenir les conflits futurs et d'éliminer la présence militaire déstabilisatrice d'acteurs extérieurs à la région. Nous sommes convaincus que les États désireux de stabiliser la situation politico-militaire à long terme s'impliqueront activement dans la résolution des questions de sécurité par des approches communes. La dimension économique, le bien-être social, l'intégration et la coopération mutuellement bénéfique ainsi que la résolution des problèmes communs feront partie intégrante du travail sur la sécurité en Eurasie.

Cela dit, nous ne cherchons pas à nous isoler ni à exclure du dialogue les États européens, à condition qu'ils manifestent un véritable intérêt et qu'ils ne soient pas impliqués dans des actions destructrices visant d'autres pays d'Eurasie, un continent qui s'étend de Lisbonne à Vladivostok, de Moscou à Riyad, New Delhi, Pékin et Jakarta.

Réforme du Conseil de sécurité des Nations unies

En juillet de cette année, à l'initiative de la Russie, des débats publics du Conseil de sécurité ont eu lieu sur la mise en place d'un ordre mondial plus juste et durable. Il est essentiel de poursuivre cette discussion, tant à l'ONU que sur d'autres plateformes. Pour nous, il est clair qu'un ordre mondial équitable implique une plus grande représentation du Sud global et de l'Est au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, c'est-à-dire des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Nous avons réaffirmé notre soutien aux candidatures du Brésil et de l'Inde, tout en soutenant les initiatives de l'Union africaine en la matière. Cependant, il serait illogique et absurde soutenir l'idée d'accorder des sièges supplémentaires aux pays occidentaux et à leurs alliés, qui sont déjà surreprésentés au sein du Conseil de sécurité.

Toutefois, tout le monde ne partage pas notre point de vue de ce qui est juste. De nombreuses opinions divergent sur la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU. Mais l'une des déclarations les plus surprenantes est celle d'Antonio Guterres, qui a affirmé que l'Europe était surreprésentée au Conseil de sécurité parce que la France, la Grande-Bretagne et la Russie font partie des membres permanents. Cette vision géopolitique du monde ne reflète pas la réalité contemporaine, elle la déforme complètement, surtout après la sortie de Londres de l'UE et notre refus d'être intégré dans des projets euro-atlantiques et paneuropéens.

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En mai 2025, nous célébrerons le 80e anniversaire de la victoire dans la Seconde Guerre mondiale. La politique génocidaire du Troisième Reich a fait des dizaines de millions de victimes, dont 27 millions parmi les peuples de l'Union soviétique. Ces crimes ne sont soumis à aucune prescription, tout comme il n'existe aucune justification morale pour ceux qui cherchent aujourd'hui à réhabiliter les bourreaux nazis, les collaborationnistes et leurs adeptes actuels, que ce soit en Ukraine, dans les pays baltes, au Canada ou ailleurs.

Aujourd'hui, comme au temps de la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale est à nouveau confrontée à des défis majeurs qui exigent une union des forces, et non une confrontation ou une soif de domination mondiale. La Russie continuera toujours à prôner le travail collectif, la vérité, le droit, la paix et la coopération pour la renaissance des idéaux inscrits par les fondateurs de l'Organisation des Nations unies. C'est précisément l'objectif du Groupe des amis pour la défense de la Charte des Nations unies, créé à l'initiative du Venezuela. Ses objectifs et principes restent plus pertinents que jamais. L'essentiel est que tous les États sans exception respectent ces principes dans leur intégralité, sans en sélectionner arbitrairement certains, mais en les appliquant dans leur ensemble, y compris celui de l'égalité souveraine des États. Ainsi, en œuvrant pour un équilibre juste des intérêts nationaux légitimes de tous les pays, nous pourrons mettre en œuvre la mission inscrite dans la Charte de l'ONU: "Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations".